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Le patois ressuscite à l’école d’Evolène

Depuis novembre, des cours facultatifs de dialecte local sont proposés aux élèves. Un projet pilote auréolé de succès

«Pas des échelles! Dè gèssél ! Répétas .» Aliette Beytrison désigne le dessin d’étoiles affiché au tableau noir. Les élèves obéissent et répètent le mot, encore et encore. A l’école d’Evolène, en Valais, à la fin de l’année 2011, le thème du cours tourne logiquement autour de Noël. L’étonnante langue enseignée, incompréhensible pour des oreilles profanes? Le patois d’Evolène.

Tour à tour, les douze enfants présents citent les décorations ornant le sapin schématisé au tableau: les quiosseutes (clochettes), les tzandéles (bougies). Pas facile:«Comprendre le patois, ça va; le plus dur, c’est la prononciation», estime Elsa Métrailler, 11 ans. Comme beaucoup de gosses du village, elle a l’habitude d’entendre cette langue. «Les gens de ma génération parlent tous patois ici, affirme Aliette Beytrison. Celle de mes enfants, aujourd’hui jeunes adultes, a plus de difficulté à le comprendre.»

A l’agonie Même à Evolène où il fait partie du quotidien, le patois est à l’agonie, déplore l’institutrice. «Quand j’ai commencé à enseigner, tous les enfants le parlaient. Trente ans plus tard, sur cent élèves, une dizaine le maîtrise.» C’est pour sauver cette part du patrimoine que la Fondation pour le patois et la commune située dans le val d’Hérens ont décidé de mettre sur pied des cours. Facultatives et organisées en dehors de la grille horaire scolaire, ces leçons sont dispensées aux élèves de primaire et du cycle d’orientation. Le succès est au rendez-vous: 68 élèves répartis en cinq classes ont décidé de prolonger leur journée d’école afin d’apprendre «leur» langue.

Parler aux anciens Ce qui motive les petits Evolénards? «Quand on voit des vieilles personnes au village, on peut leur parler en patois», répond Cédric Crettaz, 11 ans. Et Théo Favre, 10 ans, ajoute: «C’est important aussi de préserver cette langue.» Patoisants «pestiférés»

Les cours mis sur pied à Evolène répondent on ne peut mieux aux vœux des défenseurs des dialectes franco-provençaux (lire ci-dessous). «Le poète patoisant et chanoine Marcel Michelet disait: «L’école doit refaire ce qu’elle a défait», souligne Bernard Bornet, ancien conseiller d’Etat et président de la Fondation pour le patois. Lorsque le dialecte parisien a été choisi comme langue officielle en France, on a tout fait pour bannir les patois. Au nom de la modernité, on a sacrifié la tradition.» Aliette Beytrison peut en attester: «Même à mon époque, on se faisait gronder si on parlait cette langue en classe.» A la fin du XIXe siècle, la chasse au patois était encore plus acharnée: «C’était punition sur punition! rappelle Bernard Bornet. A Evolène, on affublait ceux qui le parlaient d’une médaille de pestiféré.»

L’endroit idéal Des décennies plus tard, on s’emploie à réparer le mal. Pas facile car le patois reste essentiellement une langue orale. «L’enseignement se fait sans livre, explique Aliette Beytrison. On parle en patois aux élèves; en classe, on utilise le moins possible le français. Le blog que nous avons créé permet aux enfants d’écouter des dialogues dans cette langue. Evolène était l’endroit idéal pour lancer ce projet pilote. La plupart des enseignants parlent encore patois.» Ailleurs, l’heure tourne. Savièse, Nendaz, Conthey, Salvan pourraient suivre l’exemple évolénard dans un avenir proche. Encore faudra-t-il trouver les personnes à même de partager leur savoir. «Cela montre à quel point il est malheureusement plus difficile de reconstruire que de démolir.»

Source : FRANÇOIS MAMIN (24 heures)

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