Il
y a 150 ans était construit le premier hôtel de la station. Une expo revient
sur les débuts de cette aventure perpétuée par la dynastie Anzévui.
L'Hôtel Mont-Collon achevé en 1862 reçoit très rapidement un grand nombre de touristes britanniques épris de nature et d'alpinisme. Une exposition retrace ces premières décennies. DR |
"Dans
les années 1850, Jean Baptiste Anzévui achète la montagne d'Arolla, d'une
superficie d'environ 3500 hectares, à l'Evêché de Sion. Le glacier avance et on
le considère comme fou." Ainsi débute l'exposition consacrée
à l'Hôtel Mont-Collon construit il y a 150 ans. Installés dans une salle de
conférence de l'édifice, les panneaux explicatifs font la part belle aux
premières décennies de cette véritable épopée. Premiers clients, premiers
succès et premiers agrandissements. La principale source de cette exposition?
Une reproduction partielle du livre des hôtes, aujourd'hui aux archives
cantonales, véritable document historique renfermant des trésors d'anecdotes,
fourmillant de détails, de dates, pour une meilleure compréhension de la petite
histoire dans la grande...
"Nous
avons relevé les pages qui situent l'importance de l'hôtel et d'Arolla dans le
développement du tourisme et des sciences, dont la glaciologie, au XIXe
siècle", résume Monica Anzévui, épouse de
Vincent, arrière-petit-fils du fondateur. "Nous avons également
découvert, en feuilletant le livre d'or, la description précise des courses et
des premiers exploits."
Des noms
célèbres
Au
fil des pages photocopiées, des noms célèbres apparaissent, ceux des pionniers
du "Golden Age" victorien de l'alpinisme. Comme Walter Larden, auteur
de l'ouvrage "Walks and Climbs around Arolla" publié en 1905. Décidé
à gravir le Mont-Blanc de Cheilon, Larden doit faire face à l'absence de son
guide et décide de partir avec le propriétaire de l'hôtel. Mais, écrira-t-il, "le
travail est trop lourd pour un seul guide. Anzévui a été obligé de tailler plus
de 400 marches dont 300 sur la dernière arête qui est une pente glacée très
raide (...) Il nous a fallu 3 heures 20 jusqu'au col de Cheilon. (...) Je
recommande fermement aux voyageurs de ne pas suivre mon exemple."
Horace
Walker, auteur de nombreuses premières, dont celle de l'ascension des Grandes
Jorasses ou de l'Elbrouz, fait son entrée dans le livre d'hôtes de l'hôtel en
1865. Les soeurs Anna et Hellen Pigeon réalisent, de leur côté, 63 ascensions
avec leur guide Jean Martin et un certain Jean Anzévui. Une course décrite dans
le livre d'hôtes fait référence aux Miss Ethel, Wood et Gardner qui effectuent
la première descente du Pigne par la face nord... Simultanément, les noms de
guides locaux apparaissent comme Martin Pralong, Jean Vuignier, J.-P. Gaspoz ou
Martin Métrailler.
Dans
un registre différent, le peintre suisse Eugène Burnand séjourne dans
l'établissement du 19 août au 3 septembre 1884. Si un musée lui est consacré à
Moudon, son oeuvre la plus célèbre se trouve au Musée d'Orsay à Paris. Voici
ses quelques mots annotés: "Passé quinze jours de séjour idéal - gens
excellents et quelle table!"
Les
scientifiques ne boudent pas le haut val d'Hérens. En 1887, le professeur
François Alphonse Forel signe une véritable étude glaciologique, avec croquis à
la clé dans le livre d'or. Ses résultats aboutissent à la conclusion que le
glacier de "Vuibez" s'est raccourci de 26 mètres en un an.
Plus
tard en 1946, René Morax dépeint l'atmosphère de l'Hôtel Mont-Collon. "Dans
le hall chaud et clair, c'est tout le confort élégant et simple d'un hôtel qui
garde ce caractère montagnard et valaisan, si rare dans un palace cosmopolite.
Comme autrefois, dans le corridor, des cannes, des piolets, des cordes et des
rucksacks, pendus au mur, disent à quel sport sérieux cet hôtel est
consacré."
Anzévui 1 er ,
homme à tout faire
Monica
Anzévui a volontairement écarté les lignées royales anglaises ou italiennes qui
ont fait halte à l'hôtel. "Cela vaudrait une exposition en soi."
Celle-ci a davantage vocation à rendre hommage au pionnier Jean Anzévui, dit le
Juge. "En plus d'être chasseur, hôtelier, organiste à l'église
d'Evolène, buraliste postal et à l'origine d'un service de diligence entre Sion
et Evolène, il occupe la fonction de juge, président de la commune et député au
Grand Conseil", détaille Monica Anzévui. Car à l'époque, tout est à
inventer. "L'hôtel vit en autarcie avec sa centrale électrique et sa
boucherie."
Mais
des péripéties ou des bel les histoires, l'Hôtel Mont-Collon en abrite tout au
long du XX e siècle. Sous la houlette de son fils Jean, puis de Marius et de
Vin cent, la tradition de l'hôtellerie familiale se perpétue. Jusqu'à
aujourd'hui avec Catherine Anzé vui Martin, représentante de la 5 e génération,
témoin du retour de la clientèle anglaise et de l'affaissement récent des
nuitées. "J'ai une relation très affective à ce patrimoine. J'étais
d'une certaine manière programmée à en reprendre les rênes même si les temps
sont très durs et l'avenir incertain pour l'hôtellerie familiale..."
Expo ouverte jusqu'au 12 août puis du
27 août au 16 septembre
LES DEBUTS DE
L'HOTELLERIE
L'immersion dans la vie de la
dynastie Anzévui permet également de se familiariser avec la naissance du
tourisme dans les Alpes valaisannes et plus précisément dans le Valais central.
Si l'ouverture du 1er hôtel dans le val d'Hérens se fait à Evolène en 1857 avec
l'Hôtel de la Dent-Blanche, l'Hôtel Mont-Collon reçoit en 1862 des hôtes
britanniques en grand nombre. Dix ans plus tard, les capacités d'hébergement
sont doublées et une 3e partie est ajoutée en 1890. La même année, Jean Anzévui
fait construire le Grand-Hôtel d'Evolène et, en 1893, le Grand Hôtel de Sion
sur l'emplacement de l'actuelle Banque Cantonale du Valais. A Arolla, pour ne
citer que cette station, suivront rapidement d'autres hôtels: La Poste (1895),
le Kurhaus (1896), le Pigne (1902), la Tza (1905, ancien Hôtel Victoria) et le
Glacier (1935).
Source : Le Nouvelliste / Pascal Fauchère
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